Ce bébé est le tout premier enfant né de trois parents différents, donc avec trois ADN différents. On vous explique.

Dans cet article :
1. Un bébé né de trois parents différents ?
Le 6 avril 2016, un garçon voit le jour au Mexique. En apparence, c’est un nourrisson comme les autres. Mais ce bébé jordanien est porteur d’un patrimoine génétique unique : il est le premier au monde à naître grâce à une technique utilisant l’ADN de trois personnes.
Derrière cette prouesse scientifique se cache une ambition immense : empêcher la transmission de maladies génétiques graves d’origine mitochondriale. Le responsable de cet exploit est John Zhang, médecin et chercheur à la tête du New Hope Fertility Center à New York.
Pour contourner les restrictions américaines, Zhang a pratiqué la procédure au Mexique, pays sans réglementation claire sur ce genre de pratiques. Comme il l’a déclaré, relayé par New Scientist : « Sauver des vies est la chose éthique à faire ».
VOIR AUSSI : 10 choses étranges que font les bébés dans le ventre
2. La bataille contre le syndrome de Leigh
La mère de l’enfant est porteuse d’un gène défectueux lié au syndrome de Leigh, une maladie rare, grave, et toujours mortelle, qui affecte le système nerveux central en développement. Cette mutation se loge dans l’ADN mitochondrial, une forme d’ADN transmise uniquement par la mère.
Alors que notre ADN nucléaire contient plus de 20 000 gènes, l’ADN mitochondrial n’en compte que 37, mais tous sont essentiels au fonctionnement cellulaire. Dans le cas de cette mère, environ 25 % de ses mitochondries portaient la mutation pathogène, un niveau suffisant pour causer la maladie. Deux de ses enfants sont morts des suites du syndrome, l’un à 6 ans, l’autre à 8 mois.
3. Une méthode sur mesure : le transfert nucléaire de fuseau
Au Royaume-Uni, la technique dite du transfert pronucléaire a été légalement approuvée. Elle implique la fécondation simultanée de deux ovules, celui de la mère et celui d’une donneuse, suivie du transfert du noyau du premier dans le second, après destruction de leurs propres noyaux respectifs. Mais cette méthode détruit des embryons, ce qui était incompatible avec les convictions religieuses du couple jordanien.
John Zhang a donc utilisé une autre approche, moins invasive d’un point de vue éthique : le transfert nucléaire de fuseau (spindle nuclear transfer). Cette fois, il a prélevé le noyau d’un ovule non fécondé de la mère pour le placer dans un ovule énucléé d’une donneuse, dont seule la membrane cytoplasmique et les mitochondries sont conservées.
L’ovule ainsi “recomposé”, contenant l’ADN nucléaire de la mère et l’ADN mitochondrial de la donneuse, a été fécondé avec le sperme du père. Cinq embryons ont été créés, mais un seul s’est développé normalement. Il a été implanté avec succès.
4. Est-ce éthique ?
L’enfant est né en bonne santé, et les premières analyses ont révélé que moins de 1 % de ses mitochondries portaient encore la mutation. Un seuil jugé très bas : en général, les problèmes apparaissent lorsque plus de 18 % des mitochondries sont touchées.
Pour Dusko Ilic, biologiste à King’s College London, cette naissance représente une avancée majeure : « C’est une grande nouvelle, c’est révolutionnaire », a-t-il alors confié.
De son côté, Bert Smeets, généticien à l’université de Maastricht, applaudit l’innovation tout en appelant à la prudence : « Nous devons attendre d’autres naissances et les suivre attentivement. Les mitochondries défectueuses pourraient, dans certains cas, se multiplier plus rapidement que les saines », lit-on.
L’équipe de Zhang, qui doit présenter ses résultats lors du congrès de la American Society for Reproductive Medicine à Salt Lake City, a pris soin de limiter les risques. En choisissant d’implanter un embryon mâle, ils ont réduit la possibilité de transmission ultérieure des mitochondries modifiées. Lesquels ne se transmettent que par la lignée maternelle.
5. Un précédent controversé avant ce bébé
Ce n’est pas la première fois que des chercheurs tentent de créer un enfant à partir de l’ADN de trois personnes. Dans les années 1990, une technique consistant à injecter directement de l’ADN mitochondrial d’une donneuse dans l’ovule d’une autre femme avait été testée.
Mais les résultats furent catastrophiques : deux fœtus ont développé des troubles génétiques. Et la Food and Drug Administration (FDA) américaine a interdit l’usage de cette méthode. Ce précédent reste dans tous les esprits et explique la prudence des institutions. Le cas Zhang relance alors ce débat éthique et scientifique.
VOIR AUSSI : Des bébés mutants ? Cette incroyable découverte pour la science
6. « Il faut surveiller le développement de cet enfant »
Aujourd’hui, l’enfant va bien. Il ne présente aucun symptôme du syndrome de Leigh. Mais comme le rappelle Sian Harding, membre du comité d’éthique britannique sur la manipulation mitochondriale, cette réussite ne doit donc pas faire oublier les risques. « Il faut surveiller le développement de cet enfant sur le long terme, notamment pour s’assurer que les mitochondries mutées ne prennent pas le dessus », lit-on.
Malgré les controverses, les résultats obtenus par Zhang pourraient bien accélérer l’adoption de cette technique ailleurs dans le monde. Actuellement, seule la Grande-Bretagne a alors encadré légalement ce procédé.
BuzzWebzine est un média indépendant. Soutiens-nous en nous ajoutant à tes favoris sur Google Actualités :