À quelques kilomètres des frontières de l’Union européenne, la Russie fait sa loi. En cas de confrontation, l’armée de l’UE peut-elle tenir ?

Les nombreuses tensions politiques dans le monde n’échappent pas aux citoyens. Sur les réseaux sociaux, l’on garde un œil sur les différents clans au sujet de la guerre en Ukraine et cela alimente les débats. Au cas où la Russie entrerait en guerre contre l’Europe, l’armée de l’UE pourrait-elle à elle seule vaincre, sachant que les dépenses militaires de la Russie ont dépassé celles de l’ensemble de l’Union européenne ?
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Un arsenal en apparence supérieur, mais…
Sur le papier, l’Union européenne possède un arsenal militaire quantitativement plus imposant que la Russie. En 2023, les États membres détenaient 8 406 aéronefs (avions de chasse, hélicoptères de combat, drones) contre 3 463 en Russie. Ils détenaient aussi 77 304 véhicules blindés (chars, artillerie automotrice, véhicules de transport de troupes) contre 47 404 en Russie et 2 275 navires (frégates, sous-marins, destroyers) contre 824 en Russie.
Cette supériorité numérique est cependant à relativiser. Comme l’explique Joseph Henrotin, seul un tiers des forces est opérationnel en permanence. Le reste est en maintenance ou en entraînement. Et surtout, la Russie agit comme un acteur unifié, alors que l’UE est composée de 27 pays aux priorités stratégiques diverses. La cohésion et la capacité de projection d’une force militaire unifiée en Europe restent donc fragiles.
Avoir du matériel ne signifie pas pouvoir l’utiliser efficacement, surtout sans logistique commune et sans volonté politique homogène. Cette réalité tempère largement l’idée d’une supériorité militaire européenne.
Une disparité budgétaire mal interprétée
On avance régulièrement l’argument de la supériorité des dépenses militaires européennes face à celle de la Russie. Ce sont près de 326 milliards d’euros (ou plutôt 386 milliards si l’on y ajoute le budget de la Grande-Bretagne) par an que l’UE investit contre 146 milliards pour la Russie. Ces chiffres ne prennent toutefois pas en compte la parité de pouvoir d’achat. Un euro en Europe ne produit pas les mêmes capacités qu’un rouble en Russie. Selon le Commandant Engelen, les Russes obtiennent l’équivalent de 462 milliards d’euros de matériel et de services militaires avec leur budget actuel.
En termes d’artillerie, la Russie produit plus de 3 millions d’obus par an, contre seulement 500 000 pour l’Europe. Moscou rationalise sa production en se concentrant sur un nombre réduit de modèles d’armes, ce qui facilite la formation et la logistique. En Europe, la fragmentation des commandes et les exigences technologiques augmentent les coûts et ralentissent l’efficacité. Si l’on comprend bien alors, les dépenses européennes ne se traduisent pas nécessairement par une puissance militaire opérationnelle supérieure.
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La Russie en économie de guerre
Depuis le début du conflit en Ukraine, la Russie a basculé dans une économie de guerre. Elle consacre de ce fait près de 40 % de son PIB à la défense, soit environ 600 milliards d’euros en valeur corrigée. Cela lui permet une production industrielle militaire à un rythme bien supérieur à celui des Européens. Pendant que les Européens (toutes nations confondues) peinent à aller au-delà de 200 chars l’année, la Russie a produit environ 1 500 chars de combat T-90 et T-72 modernisés en 2023.
Plus encore, la chaîne de commandement russe est centralisée, ce qui facilite les décisions stratégiques et l’allocation des ressources. En Europe, l’absence d’une politique de défense commune et la lourdeur administrative ralentissent la réponse militaire. La Russie peut adapter rapidement sa stratégie. L’UE quant à elle doit composer avec des intérêts nationaux divergents. La préparation et la réactivité opérationnelle sont des facteurs déterminants en cas de conflit prolongé, et à cet égard, l’avantage semble clairement pencher en faveur de Moscou.
Un réarmement européen nécessaire, mais encore flou
Le plan “ReArm » de la Commission européenne prévoit d’injecter 800 milliards d’euros dans la défense. Mais pour quel objectif ?
S’il est destiné à combler les lacunes en production d’armement et en recherche, il ne sera efficace que si l’Europe adopte une stratégie commune et une rationalisation des achats. Or, aujourd’hui, de nombreux pays européens préfèrent encore acheter du matériel américain, comme le F-35, plutôt que de développer des solutions locales telles que le SCAF (Système de Combat Aérien du Futur).
L’autre point qu’on n’oublie pas, c’est que les infrastructures technologiques militaires européennes dépendent largement des architectures d’information américaines. Sans autonomie technologique et logistique, ce réarmement pourrait surtout profiter à l’industrie de défense américaine plutôt qu’à la création d’une véritable force européenne.
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