Tout le monde craint la douleur et cherche du plaisir. Ces deux sensations semblent a priori opposées. Mais chez certaines personnes, elles semblent avoir un point d’intersection : le sexe.
Différentes œuvres illustrent ce phénomène intriguant. En 1954, par exemple, le roman érotique « Histoire d’O » d’Anne Desclos a fait sensation en France. Il faisait des références explicites au bondage, discipline, domination, soumission, au sadisme et au masochisme, regroupés sous l’acronyme BDSM. Récemment, la série « Cinquante nuances de Grey » d’E. L. James a connu un succès mondial, stimulant les fantasmes érotiques de ses lecteurs. Mais alors, pourquoi certaines personnes trouvent du plaisir dans la douleur lors d’actes sexuels ?
Dans cet article :
Quand la douleur physique devient source de plaisir
Des adultes sains et consentants cherchent parfois à ressentir des sensations douloureuses comme un « stimulant » du plaisir sexuel et de l’excitation. Cela peut faire partie des pratiques BDSM ou simplement d’un caprice occasionnel visant à pimenter la vie sexuelle.
Mais comment la douleur peut-elle être agréable ? Selon la théorie de l’évolution, pour les humains et d’autres mammifères, la douleur fonctionne principalement comme un système d’avertissement. Elle sert à indiquer le danger d’une menace physique. Par exemple, se brûler ou s’ébouillanter fait mal. L’appréhension de cette douleur décourage ainsi de marcher dans le feu et de se brûler vivant. Elle dissuade de boire de l’eau bouillante et de causer des dommages irréversibles à son corps.
Des points communs entre le plaisir et la douleur
Pourtant, physiologiquement parlant, la douleur et le plaisir ont plus en commun qu’on ne pourrait le penser. Des recherches ont montré que les sensations de douleur et de plaisir activent les mêmes mécanismes neuronaux dans le cerveau.
Le plaisir et la douleur sont tous deux liés aux systèmes dopaminergiques et opioïdes interagissant dans le cerveau. Ces systèmes régulent les neurotransmetteurs impliqués dans les comportements motivés par la récompense. Il s’agit par exemple de l’acte de manger, boire et avoir des relations sexuelles.
En termes de régions cérébrales, le plaisir et la douleur semblent activer le noyau accumbens, le pallidum et l’amygdale. Ces régions sont impliquées dans le système de récompense du cerveau. Ainsi, l’« euphorie » ressentie par les personnes qui trouvent les sensations douloureuses sexuellement excitantes est similaire à celle ressentie par les athlètes lorsqu’ils poussent leur corps à la limite.
NB : Il est possible de ressentir de la douleur pendant les rapports sexuels pour diverses raisons liées à la santé. Il peut notamment s’agir de conditions telles que le vaginisme, des blessures ou des infections de la vulve ou du vagin. Des infections du pénis ou des testicules peuvent aussi en être responsables. Si vous ressentez une douleur non désirée ou tout autre inconfort dans les organes génitaux pendant les rapports sexuels, il est préférable de consulter un professionnel de la santé.
Y a-t-il des avantages psychologiques à ce phénomène ?
Il existe également un aspect psychologique complexe à trouver du plaisir dans les sensations de douleur. Tout d’abord, l’expérience de la douleur d’une personne peut dépendre fortement du contexte dans lequel les stimuli douloureux surviennent.
Certaines personnes trouvent que les jeux SM comme un moyen de se détendre et de s’éloigner des soucis quotidiens. Il en est tout autre quand l’on éprouve de la douleur suite à une coupure avec un couteau dans la cuisine ou à une opération. Ce sera désagréable dans la plupart, sinon dans tous les cas.
Cependant, lorsque quelqu’un ressent de la douleur physique dans un contexte où il éprouve également des émotions positives, sa perception de la douleur diminue en réalité.
Ainsi, lorsqu’une personne a des relations sexuelles avec un partenaire de confiance, les émotions positives associées à l’acte pourraient atténuer les sensations douloureuses résultant des jeux érotiques.
Dans le même temps, la douleur volontairement ressentie pendant les rapports sexuels ou les jeux sexuels peut, étonnamment, avoir des effets psychologiques positifs, et le principal est le lien interpersonnel.
Des convergences psychologiques entre la douleur et le plaisir
Deux études ont montré que les participants qui s’engagent dans des actes sadomasochtiques consensuels dans le cadre de jeux érotiques ressentent un sentiment renforcé de lien avec leurs partenaires et une augmentation de la confiance émotionnelle. Les résultats de ces recherches ont été publiés dans Archives of Sexual Behavior en 2009,
« Bien que les réactions physiologiques des soumis [partenaires soumis]et des dominants [partenaires dominants]aient tendance à différer, les réactions psychologiques convergeaient, avec des soumis et des dominants signalant une augmentation de la proximité relationnelle après leurs scènes [jeux érotiques BDSM]. »
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Une autre raison de s’engager dans des jeux érotiques pendant les rapports sexuels est celle de l’évasion. La « douleur », expliquent les auteurs d’une revue publiée dans The Journal of Sex Research, « peut focaliser l’attention sur le moment présent et éloigner de la pensée abstraite et de haut niveau. »
« De cette manière, la douleur peut faciliter une pause temporaire ou une évasion des responsabilités lourdes de la vie adulte. »
A ce propos, une autre étude datant de 2015 a révélé que de nombreuses personnes pratiquant le BDSM ont rapporté que leurs pratiques érotiques les aidaient à se détendre et à échapper à leur routine quotidienne et à leurs soucis.
Les auteurs de cette recherche, Ali Hébert et le Prof. Angela Weaver, ont écrit :
« Beaucoup de participants ont déclaré que l’un des facteurs motivants pour s’engager dans le BDSM était qu’il leur permettait de faire une pause dans leur vie quotidienne. »
« C’est une évasion de votre monde réel, vous savez. C’est comme vous donner une putain de pause. »
NB : À moins qu’une personne ne recherche spécifiquement des sensations douloureuses dans le cadre de sa gratification sexuelle, le sexe n’est pas censé être douloureux pour les personnes qui y participent.
Y a-t-il des effets secondaires potentiels des jeux sexuels ?
Les gens peuvent également ressentir des effets psychologiques négatifs après avoir participé à des jeux érotiques. Ce sentiment peut surgir peu importe leur expérience et le soin qu’ils prennent pour établir des limites saines pour une scène érotique.
Parmi les praticiens du BDSM, cet effet secondaire négatif est connu sous le nom de « sub drop », ou simplement « drop ». Et il fait référence à des expériences de tristesse et de dépression. Elles peuvent survenir, soit immédiatement après avoir participé à des jeux sexuels brutaux, soit quelques jours après l’événement.
Les chercheurs Richard Sprott, Ph.D., et Anna Randall soutiennent que, bien que le « crash » émotionnel que certaines personnes ressentent immédiatement après des jeux brutaux puisse être dû à des changements hormonaux dans le moment. Les baisses qui surviennent quelques jours plus tard ont probablement d’autres explications.
Ils soutiennent que les sentiments de dépression quelques jours après des jeux érotiques correspondent à un sentiment de perte de l‘ »expérience de pointe » des jeux sexuels brutaux qui offre une pause psychologique à une personne sur le moment.
L’euphorie offerte par le mélange de plaisir et de douleur à un moment donné serait similaire aux hauts vécus par les athlètes. Ici, les chercheurs comparent le « creux » après le jeu avec celui vécu par les sportifs olympiques à la suite de la compétition, également appelé « dépression post-Olympique. »
La clé est dans la préparation, le consentement et la sécurité
Quoi que décide une personne pour pimenter sa vie sexuelle, la clé est toujours le consentement. Toutes les personnes participant à une rencontre sexuelle doivent offrir un consentement explicite. Il est essentiel qu’elles soient enthousiastes pour toutes les parties de cette pratique. Aussi, elles doivent être en mesure d’arrêter de participer si elles ne sont plus intéressées et disposées.
La recherche suggère que les fantasmes sur des jeux sexuels inhabituels ou brutaux sont très courants. Et certaines personnes décident de sortir le fantasme du domaine de l’imagination pour le rendre réalité.
Vous pouvez décider de vous éloigner du sexe « classique » et d’essayer d’autres saveurs, c’est votre droit ! Et il n’y a rien de mal en cela. Assurez-vous simplement de rester en sécurité. Engagez-vous uniquement dans ce que vous appréciez et vous sentez à l’aise de faire.
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