Le protocole Ganzfeld est une expérience scientifique étrange qui continue d’intriguer tout le monde, mais c’est quoi ?

Le protocole Ganzfeld occupe une place singulière dans l’histoire de la parapsychologie. Il se situe exactement à la frontière entre science expérimentale, psychologie sensorielle et croyance en des perceptions extra-sensorielles. Depuis sa création dans les années 1930, il nourrit débats, controverses, espoirs et démystifications. Aujourd’hui encore, il continue d’alimenter les discussions, non pas pour les preuves qu’il apporterait, mais pour ce qu’il révèle de nos attentes face à l’inexpliqué.
C’est quoi le protocole Ganzfeld ?
Le terme « Ganzfeld » signifie littéralement « champ total » en allemand. Le principe repose sur une idée simple : plonger un participant dans un environnement sensoriel uniformisé, dépourvu de signaux visuels structurés et saturé de bruit blanc.
Le cerveau, privé de repères, entre alors dans un état modifié, parfois décrit comme un « état second ». L’objectif, pour les parapsychologues, est de déterminer si cet état favoriserait la perception d’informations transmises à distance, autrement dit une forme de télépathie.
Wolfgang Metzger, psychologue allemand, explore dès 1930 les réactions du cerveau humain dans ces environnements homogènes. Quelques décennies plus tard, les parapsychologues américains Charles Honorton et Robert Morris reprennent ces travaux pour en faire un véritable protocole expérimental.
Comment se déroule la séance ?
La mise en place du protocole suit une structure précise. Le participant principal, appelé percipient, s’installe dans un fauteuil confortable, les yeux recouverts de demi-balles de ping-pong pour neutraliser toute vision structurée.
Un casque diffuse un bruit blanc continu, ce qui l’isole totalement des sons extérieurs. Pendant ce temps, dans une pièce distincte, un second participant (l’émetteur) observe une image choisie aléatoirement parmi quatre options.
L’expérience consiste à déterminer si le percipient, dans cet état d’isolation sensorielle, parvient à percevoir mentalement des éléments associés à cette image.
À la fin de la session, le percipient doit classer les quatre images selon la proximité avec ses impressions. S’il place la bonne cible en premier, la réponse est considérée correcte. Dans un protocole sans perception extrasensorielle, le taux de réussite devrait évidemment tourner autour de 25 %. Mais c’est précisément ici que les controverses commencent.

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Une expérience extrêmement controversée
Entre 1974 et 1981, plusieurs laboratoires publient 28 études. Vingt-trois rapportent des résultats positifs, et douze seraient statistiquement significatives selon Honorton et Daryl Bem, deux figures majeures de la parapsychologie. Elles évoquent une déviation du hasard, suffisamment nette pour entretenir l’hypothèse du psi.
Ces résultats sont pourtant immédiatement contestés. Susan Blackmore, Ray Hyman et d’autres sceptiques, issus des sciences cognitives et de la méthodologie expérimentale, s’attaquent à la rigueur des protocoles.
Selon eux, plusieurs biais méthodologiques compromettent les données. Les critiques portent sur des analyses statistiques mal appliquées, des conditions expérimentales insuffisamment contrôlées et même sur des risques de « fuites sensorielles ».
Dans certaines expériences, il était par exemple possible d’entendre ou de deviner des informations depuis la pièce adjacente. Dans d’autres, les empreintes digitales ou des traces physiques laissées sur la cible pouvaient orienter inconsciemment le choix du percipient.
Des résultats proches de zéro ?
Les années 1980 et 1990 sont marquées par un bras de fer méthodologique. Pour améliorer la fiabilité du protocole, Honorton met en place l’Autoganzfeld, une version plus automatisée conçue pour réduire les risques de biais humains.
Les parapsychologues y voient un progrès significatif, et Bem publie en 1994 un article affirmant que les résultats sont encourageants. Cependant, la communauté scientifique demeure loin d’être convaincue. En 1999, Richard Wiseman et Julie Milton passent au crible toutes les expériences publiées.
Leur conclusion est sévère : les effets observés seraient proches de zéro, la méta-analyse serait inadéquate pour évaluer des résultats aussi fragiles, et les répliques indépendantes ne confirment pas les succès initiaux. Autrement dit, le Ganzfeld ne fournirait aucune preuve solide de la télépathie.
Ce constat devient la position dominante dans les milieux scientifiques. Le protocole Ganzfeld est aujourd’hui classé dans les méthodes pseudoscientifiques, non pas parce qu’il serait absurde en soi, mais parce qu’aucune expérience n’a jamais validé de manière rigoureuse l’existence d’un phénomène psi.
Les chercheurs sceptiques rappellent que des théories extraordinaires exigent des preuves extraordinaires. Or les résultats du Ganzfeld, même lorsqu’ils semblent prometteurs, s’effondrent dès qu’ils sont reproduits dans un cadre strictement contrôlé.
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Comment expliquer les maigres résultats ?
Pourtant, le protocole continue de fasciner. Il offre une méthode séduisante : simple, presque cinématographique, reposant sur une expérience humaine directe. Il exploite aussi un phénomène psychologique bien connu : lorsqu’un cerveau isolé sensoriellement cherche du sens, il produit spontané ment des formes, des images, des pensées diffuses.
Dans un contexte où l’on attend de percevoir quelque chose, ces impressions peuvent facilement être interprétées comme un signal extérieur.
Finalement, le protocole Ganzfeld dit peut-être moins de choses sur la télépathie que sur la psyché humaine. Il révèle notre tendance à chercher du sens, à vouloir croire en des connexions invisibles, à projeter nos attentes sur des données ambiguës.
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