Destin ou hasard : existe-t-il vraiment une réponse ? Entre ce qui semble écrit et ce qui échappe à tout contrôle, voici une réflexion sur notre besoin de sens.

Depuis la nuit des temps, chaque être humain que nous sommes tente de comprendre s’il avance sur un chemin déjà tracé ou s’il écrit lui-même son histoire au fil des rencontres, des choix et des accidents de la vie. Le débat entre destin et hasard fascine autant qu’il divise. D’un côté, il y a le confort de la prédestination, de l’autre, la vertigineuse liberté du libre arbitre. Où se trouve (si elle existe) la vérité ?
Dans cet article :
Le destin, une promesse d’ordre dans le chaos
Croire au destin, c’est croire que rien n’arrive par hasard. C’est penser que chaque événement, même le plus douloureux, a un sens caché. Cette idée rassure : elle donne une direction à l’existence, un fil conducteur invisible reliant nos expériences. C’est d’autant plus vrai lorsque nous prenons conscience de notre mortalité et de notre vulnérabilité. Quand la maladie nous frappe, que notre corps nous échappe, ce n’est plus une idée abstraite : c’est la réalité. Dans ces moments-là, croire au destin permet de se dire que cette épreuve a un sens, qu’elle est là pour nous faire grandir, pour nous pousser à nous battre. Car il n’y a rien de plus difficile que d’imaginer que tout cela n’est qu’un hasard. Dans cette vision, la question du « pourquoi moi ? » devient omniprésente, presque insupportable, rendant difficile l’acceptation. Alors que si on croit à une force supérieure qui orchestre notre parcours, cela peut aider à trouver du sens dans l’inattendu.
C’est peut-être pour cela que, depuis toujours, les grandes traditions cherchent à donner du sens à ce que nous ne contrôlons pas. Par exemple, les philosophies orientales comme le bouddhisme ou l’hindouisme parlent de karma, cette loi universelle selon laquelle nos actions passées influencent notre présent. Dans cette logique, rien n’est fortuit, tout est conséquence.
Le hasard, une liberté déguisée
Mais si croire au destin peut apaiser dans une certaine mesure, cette idée peut aussi enfermer. À force de chercher un sens à tout, on risque d’oublier la part d’imprévu, de spontanéité, qui rend la vie vivante. Et parfois, cette croyance se transforme en fatalité : si tout est écrit d’avance, à quoi bon agir ? À quoi bon se battre contre ce qui semble inévitable ? Ce sentiment peut nous priver d’élan, de responsabilité, comme si nos choix n’avaient plus vraiment de poids. C’est là qu’entre en scène le hasard.
Face à cette idée d’un plan divin, le hasard apparaît comme une bouffée d’air. Il remet l’humain au centre, capable de choisir, de bifurquer, de créer. Pas de script préécrit. Le hasard, dans cette vision, n’est pas un ennemi. Il est cette ouverture infinie des possibles, la surprise de la vie qui nous pousse à nous adapter. Les rencontres imprévues, les échecs inattendus, les coups de chance : tout cela construit une existence qui échappe à tout contrôle total, mais qui devient profondément humaine.

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Qu’en pense la science : la théorie du chaos
Et si, au fond, le hasard n’était qu’une forme d’ordre trop complexe pour être perçu ? C’est ce que suggère la théorie du chaos dans le film Jurassic Park. C’est le personnage du mathématicien Ian Malcolm qu’il l’explique dans la voiture au docteur Ellie Sattler.
Cette théorie, issue des travaux de physiciens et de mathématiciens des années 1960, montre que même les systèmes régis par des lois précises peuvent produire des résultats totalement imprévisibles. Un infime changement dans les conditions de départ — une température, un angle, une particule déplacée — peut bouleverser l’ensemble du système. C’est ce qu’on appelle aussi l’effet papillon : le battement d’ailes d’un papillon à Pékin pourrait provoquer une tornade à New York.
En d’autres termes, le chaos n’est pas le désordre absolu, mais un ordre caché derrière l’apparente confusion. Tout semble incontrôlable, et pourtant, un schéma sous-jacent existe. Appliqué à nos vies, cela veut dire que le hasard et le destin pourraient être les deux faces d’une même pièce : nos choix individuels déclenchent des réactions en chaîne, invisibles, mais réelles, qui finissent par dessiner un parcours unique.
Peut-être ne sommes-nous pas prisonniers d’un destin tout tracé, ni totalement livrés au hasard, mais simplement les acteurs d’un système si complexe que le moindre battement d’aile de notre passé peut redessiner tout notre futur.
Quand le théâtre s’en mêle : Le destin se moque des choix
Le Théâtre Lepic s’est emparé de cette grande question à travers la pièce Le destin se moque des choix, écrite et mise en scène par Fabrice Tosoni. Deux femmes, Mathilde et Pilar, se retrouvent aux urgences après un incendie. L’une attend des nouvelles de son mari, l’autre de son fils. Leur vie vient de basculer. Et dans cet instant suspendu, elles remontent le fil du temps, rejouant leurs choix, leurs regrets, leurs « et si… ».
À la croisée de la tragédie et de la comédie, le texte interroge nos illusions de contrôle : avons-nous vraiment le pouvoir de changer notre destin ? Les dialogues, à la fois drôles et poignants, oscillent entre lucidité et impuissance. Ce qui touche, c’est cette tentative désespérée de comprendre où tout a dérapé, comme si, en identifiant le moment précis, on pouvait réparer le passé.

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Et si le point de départ était intouchable ?
En sortant de la salle, une évidence s’est imposée à moi : on a beau chercher un coupable, essayer de remonter le fil du temps pour savoir quel événement a tout fait basculer, on remonte toujours trop loin. Peut-être jusqu’au jour même de notre naissance. C’est une toile d’araignée sans fin.
La pièce nous renvoie à cette vérité brute : on ne peut pas tout réécrire. Ce qui nous arrive, nos réussites comme nos drames, est tissé d’un entrelacs d’instants, de décisions et de circonstances impossibles à démêler. Et c’est peut-être là que se loge la paix intérieure : dans l’acceptation que certaines choses ne dépendent pas de nous, mais que notre regard, lui, peut tout changer.
Finalement, le destin et le hasard ne sont peut-être pas des ennemis, mais des partenaires silencieux. Le hasard nous place face à des portes, le destin nous pousse à en ouvrir certaines. Croire en l’un ou en l’autre n’a sans doute pas tant d’importance. Ce qui compte, c’est la conscience que chaque instant vécu a sa valeur propre, qu’il soit prévu ou accidentel. Car si le destin se moque des choix, peut-être que la vraie liberté consiste simplement… à continuer d’en faire.
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