En France, le désert médical et la non-prise en charge médicale sont des fléaux difficiles à combattre, on vous explique.

Appelle ton médecin. Ah non, tu n’en as pas. Va aux urgences. Ah non, elles ont fermé. Compose le 15. Ah non, ils ne viennent pas. Voilà la routine d’un nombre croissant de Français. Une routine à base de renoncements, de kilomètres, d’attente, de solitude et parfois… de drames. Ce n’est pas un scénario de dystopie sanitaire. C’est la France de 2025, le désert médical grandissant.
Dans cet article :
⚕️ Le désert médical en France, un vrai problème
Un désert médical, ce n’est pas juste un coin paumé où l’on trouve plus de vaches que de médecins. C’est un territoire, rural ou urbain (mais plus souvent en campagnes), où l’accès aux soins est devenu un privilège. On y cherche un généraliste comme on cherche de l’eau dans le désert : longtemps, et souvent en vain.
D’après les chiffres de la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), environ 8 millions de Français vivent dans une commune sous-dotée en médecins généralistes. Si l’on élargit aux zones dites “sous-denses”, on parle de près d’un Français sur trois.
⚕️Trouver un médecin traitant ? Mission impossible
La France manque cruellement de médecins, mais pas partout pareil. En Île-de-France ou à Lyon, on galère, mais on finit par trouver. Dans l’Orne, la Creuse, la Meuse ou certaines banlieues défavorisées ? C’est une autre histoire.
En 2023, une enquête Ifop pour l’UFC-Que Choisir révélait que 47 % des généralistes n’acceptent plus de nouveaux patients. Le site Doctolib, censé faciliter l’accès aux soins, est devenu pour beaucoup un cimetière de créneaux fantômes.
En 2023, plus de 1 100 communes françaises n’avaient tout simplement aucun médecin en activité, selon l’Association des maires ruraux de France.
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⚕️ Urgences fermées, soins retardés, patients sacrifiés
Depuis 2013, plus de 200 services d’urgences ont fermé leurs portes ou réduit drastiquement leurs horaires. Des petites villes comme Lons-le-Saunier, Die, Bernay ou encore Sedan ont vu leur unique service d’urgence supprimé ou limité à certaines tranches horaires. En pleine nuit, il ne reste que le 15. Et encore…
Le cas Naomi Musenga
L’affaire Naomi Musenga est sans doute le cas le plus connu de non-assistance, mais ce n’est pas isolé. Le 29 décembre 2017, Naomi Musenga, 22 ans, appelle le SAMU en se plaignant de violentes douleurs abdominales.
L’opératrice minimise ses plaintes, lui dit qu’elle « va mourir un jour comme tout le monde » et lui conseille d’appeler SOS Médecins. Naomi décède quelques heures plus tard à l’hôpital. L’affaire a suscité une vive émotion en France. En juillet 2024, l’opératrice a été condamnée à un an de prison avec sursis pour non-assistance à personne en danger.
Le cas Anthony Queffelec
Et il y a aussi le cas d’Anthony Queffelec, 36 ans, mort d’un infarctus non pris au sérieux par le SAMU. Le 9 avril 2023, Anthony Queffelec, un père de famille de 36 ans, appelle le SAMU depuis son domicile à Pouilley-Français, près de Besançon. Il est en détresse respiratoire et signale qu’il « panique un peu ».
La médecin régulatrice interprète ses symptômes comme une crise d’angoisse et envoie une ambulance privée sans urgence. Trente minutes plus tard, Anthony rappelle, sa voix est affaiblie, sa respiration difficile. Il demande : « Ils vont venir ? »
L’ambulance, non informée de l’urgence, fait un détour pour déposer un autre patient. À l’arrivée des secours, Anthony est inconscient, en arrêt cardiaque. Il est transporté au CHU de Besançon où il est déclaré en état de mort cérébrale le lendemain. Une commission médicale indépendante a reconnu la responsabilité du CHU à hauteur de 70 % dans ce décès.
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⚕️ Le SAMU déborde et la régulation craque
Le 15, censé être la bouée de sauvetage, est à bout de souffle. Une enquête de France Inter (octobre 2023) indiquait que certains centres reçoivent jusqu’à 1 200 appels par jour, soit quatre fois plus qu’il y a dix ans. En face ? Des effectifs en chute libre.
Résultat : des appels mal évalués, des urgences sous-estimées, et des délais catastrophiques. Dans certains cas, le régulateur conseille à des familles d’attendre… ou de transporter eux-mêmes leurs proches. Comme si tout le monde avait une ambulance sous la main.
⚕️ Pourquoi on en est là ?
- Des départs massifs à la retraite. Un tiers des médecins généralistes français a plus de 60 ans. La vague de départs est massive. Et personne ne la compense.
- Des conditions d’installation rédhibitoires. La campagne ? Une galère pour beaucoup. Isolement, surcharge de travail, administratif kafkaïen, responsabilités lourdes. Beaucoup de jeunes préfèrent devenir salariés ou travailler en maisons de santé, en ville.
- Des études longues et ultra-sélectives. Le numerus clausus a été supprimé, mais trop tard. Les effets ne se feront sentir que vers 2030. D’ici là, le nombre de médecins continue de baisser.
- Des décisions politiques absurdes. On ferme des hôpitaux jugés “non rentables”. On gère la santé comme une start-up, en cherchant la performance économique. Mais un hôpital n’est pas une entreprise. C’est un service public. Et ça, on semble l’avoir oublié.
⚕️ Des chiffres allarmants
- 48 % des Français ont déjà renoncé à un soin faute de professionnel disponible (Ifop, 2022).
- 28 000 médecins manquants d’ici 2030.
- 1 148 communes sans aucun médecin en 2023.
- Espérance de vie : jusqu’à 6 ans d’écart entre zone urbaine et rurale (Insee, 2023).
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