Depuis peu, les bénéficiaires du RSA doivent faire 15 heures d’activités par semaine pour garder leur aide, quel premier bilan ?
À la veille de l’application de la loi pour le plein emploi, l’Insee dévoile un panorama inédit sur la situation des bénéficiaires du Revenu de solidarité active (RSA). Derrière les chiffres, une réalité sociale plus complexe qu’il n’y paraît : peu actifs, souvent contraints, parfois invisibles. Et une réforme qui entendait tout bouleverser en les inscrivant automatiquement à France Travail début 2025.
Dans cet article :
Une réforme d’ampleur… avec des fondations fragiles
La loi du 18 décembre 2023 prévoyait donc une inscription systématique de tous les bénéficiaires du RSA à France Travail. L’objectif affiché : les rapprocher du marché du travail, renforcer l’accompagnement, et poser de nouveaux droits… assortis de nouveaux devoirs. Mais pour mesurer son impact, encore faut-il connaître le point de départ. Jusqu’à récemment, ce n’était pas si simple.
L’enquête Emploi de l’Insee ne permettait pas de bien identifier cette population. Une refonte partielle du questionnaire au second semestre 2024 permet désormais d’en dresser un portrait plus fiable, à quelques mois du tournant législatif.
Moins d’un sur deux est inscrit à France Travail
Premier constat : au second semestre 2024, seuls 44,9 % des bénéficiaires du RSA sont inscrits à France Travail. C’est mieux que la moyenne nationale (14 %), mais cela signifie qu’une majorité reste hors radar du service public de l’emploi.
Cette proportion varie fortement selon l’âge. Les 30-54 ans sont les plus inscrits (56,3 %), loin devant les jeunes (34,6 %) et les seniors proches de la retraite (34,2 %).
Parmi les bénéficiaires du RSA au chômage au sens du Bureau international du travail (BIT), 84,3 % sont inscrits. Mais ce n’est pas le cas de tous : certains restent à l’écart, notamment pour des raisons de santé ou de famille.
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Une population peu active, mais pas homogène
Le taux d’activité des bénéficiaires du RSA plafonne à 45 %, contre 76 % pour le reste de la population de 15 à 64 ans. L’écart est abyssal. Mais il cache de fortes disparités : les bénéficiaires inscrits à France Travail sont plus actifs (55,7 %) que les non-inscrits (36,4 %). Et pourtant, ils sont aussi beaucoup plus au chômage.
C’est tout le paradoxe : ceux qui sont dans le système sont plus proches de l’emploi, mais subissent davantage le sous-emploi et l’instabilité. Leur taux de chômage atteint 63,2 %. En face, les non-inscrits affichent un taux de chômage plus bas (14,5 %), mais cela s’explique en partie par une inactivité massive.
Plus stables… mais invisibles ?
Les bénéficiaires non inscrits à France Travail travaillent plus souvent en CDI (17,7 % contre 4,3 % pour les inscrits) et à temps plein (21,7 % contre 9,2 %). À première vue, ils semblent mieux insérés. En réalité, une partie importante reste totalement inactive. Et ce, pour des raisons rarement choisies.
Près de 19 % d’entre eux sont inactifs pour cause de santé, contre 4 % dans la population générale. Les femmes, en particulier, déclarent davantage d’inactivité pour raisons familiales (16,2 % des non-inscrits contre 2,7 % dans la population totale). Ce sont souvent des mères seules ou des aidantes, hors de tout dispositif.
La réforme pourrait donc bouleverser l’équilibre de ces foyers déjà fragiles, en conditionnant l’allocation à une démarche d’insertion que beaucoup ne sont pas en mesure de suivre immédiatement.
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Une mesure plus fine et plus fiable qu’avant
La fiabilité de ces chiffres est nouvelle. Avant la réforme du questionnaire en 2024, l’enquête Emploi sous-déclarait largement le RSA. Désormais, elle repère 5 % des personnes de 15 à 64 ans comme vivant dans un ménage allocataire du RSA, soit près de 90 % de la population réellement concernée selon les sources administratives.
La méthode est différente de celle des CAF ou de la Drees : ici, c’est le ménage qui compte, pas seulement le foyer fiscal ou l’allocataire principal. Cela permet d’intégrer les jeunes, les conjoints, les personnes à charge, même s’ils ne perçoivent pas l’aide directement. Un ajustement utile pour comprendre les effets réels de la future inscription automatique à France Travail.
Une réforme critiquée, mais qui porte ses fruits
Ce que montre ce portrait statistique, c’est qu’il n’existe pas un bénéficiaire du RSA, mais plusieurs. Certains cherchent activement un emploi, d’autres travaillent déjà sans soutien institutionnel, d’autres encore sont empêchés par la maladie, l’isolement ou des responsabilités familiales.
La réforme pour le plein emploi va imposer une logique unifiée : inscription obligatoire, accompagnement renforcé, contrat d’engagement. Mais la réalité des bénéficiaires, elle, demeure éclatée, fragmentée, parfois incompatible avec les dispositifs pensés d’en haut.
Néanmoins, on remarque, par ces chiffres, que les bénéficiaires du RSA sont plus actifs s’ils sont inscrits chez France Travail, par rapport à ceux qui ne le sont pas. Mais, globalement, cela vient du fait que les 15 heures d’activités par semaine imposées et que la recherche active d’emploi imposée obligent les bénéficiaires à s’y atteler.
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