Depuis plusieurs années, dans le milieu littéraire, de nombreuses personnes remettent en question le fameux prix Goncourt, voici pourquoi.

Chaque automne, la même scène : une poignée d’hommes et de femmes, attablés chez Drouant, lèvent la main pour désigner le “meilleur roman de l’année”. Le verdict tombe, les ventes explosent, et le lauréat devient un visage incontournable de la littérature française.
Le prix Goncourt, c’est un sceau d’or sur une couverture. Mais aussi une institution minée, depuis des années, par les soupçons de copinage, de conflits d’intérêts et de conservatisme.
PS : comme d’habitude, on vous met des vidéos sur ce sujet pour appuyer et approfondir, nous vous invitons donc à les regarder pour en savoir davantage.
C’est quoi le prix Goncourt ?
Créé en 1903, le Goncourt est censé couronner “le meilleur roman d’imagination en prose publié dans l’année”. Mais derrière la façade académique se cache un jury fermé, à vie, composé de dix membres triés sur le volet.
Et cette immortalité littéraire n’est pas sans conséquence : le manque de renouvellement nourrit la suspicion d’un entre-soi étouffant.
Depuis des années, la presse pointe l’absence de transparence sur les critères de sélection et sur les liens entre jurés et auteurs récompensés. Le prix est pourtant ultra-puissant : il garantit en moyenne 400 000 exemplaires vendus au lauréat, un jackpot dans un monde éditorial en crise. Et c’est précisément ce pouvoir qui dérange.
Des maisons d’édition privilégiées ?
Depuis des décennies, les mêmes trois maisons raflent presque tout : Gallimard, Grasset, Seuil. Un trio surnommé par dérision “Galligrasseuil”, tant leur domination sur les prix littéraires semble automatique. Le Goncourt, loin d’y échapper, paraît même programmé pour servir leurs intérêts.
Les chiffres parlent : plus de la moitié des lauréats des vingt dernières années viennent de ces maisons. Un hasard ? Peu probable. Nombre de jurés actuels et passés y ont publié leurs propres ouvrages, y entretiennent des liens d’amitié ou de fidélité éditoriale.
Comme le disait Bernard Clavel, ancien membre du jury : “Je n’ai jamais vu un seul juré voter contre son éditeur au dernier tour.” Tout est dit.
Ce réseau éditorial tissé de connivences ne relève pas forcément du complot. Mais il crée un biais structurel : difficile d’être impartial quand son éditeur, son ami ou son confrère figure dans la sélection.
Quand le copinage devient institutionnel
Les affaires s’accumulent. En 2021 déjà, la jurée Camille Laurens avait suscité une tempête médiatique : son compagnon, François Noudelmann, figurait parmi les auteurs sélectionnés. Dans le même temps, elle publiait dans Le Monde une critique virulente d’un concurrent. Un double faux pas, symptomatique d’un problème plus profond : la confusion permanente entre amitié, loyauté et jugement artistique.
Face à ces dérapages, Didier Decoin, président de l’Académie, a tenté de resserrer les règles : déclaration d’intérêts, interdiction de voter pour un proche, participation obligatoire aux réunions.
Mais la réforme reste cosmétique. Les jurés continuent de siéger à vie, sans réel contrôle, et certains cumulent encore plusieurs casquettes, auteur, critique, chroniqueur, parfois conseiller éditorial.
VOIR AUSSI : Pourquoi le lauréat du Goncourt ne reçoit-il que 10 euros ?
Les romans de genre et plus audacieux, écartés du prix ?
L’histoire du Goncourt est jalonnée de scandales, mais aucun n’a autant marqué les esprits que celui de 1932. Cette année-là, le prix est attribué à Les Loups de Guy Mazeline, aux dépens du légendaire Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline.
Six voix suffisent à évincer un roman révolutionnaire, salué par toute la critique. La presse parle d’un “Goncourt de la peur” : peur du style, peur du scandale, peur du changement. L’épisode symbolise encore aujourd’hui la prudence excessive du jury, qui préfère les romans “sûrs” aux textes qui dérangent.
Le Goncourt aime les romans bien construits, bien écrits, bien édités. Mais il rechigne souvent à célébrer les textes qui bousculent les codes. François Nourissier, ancien juré, admettait que le prix “récompense rarement le meilleur roman de l’année”.
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