Vous avez l’impression d’être fauché alors que votre compte est bien rempli ? La dysmorphie financière, amplifiée par les réseaux sociaux, touche de plus en plus de jeunes. Découvrez pourquoi et comment y remédier.
Vérifiez-vous compulsivement votre compte en banque, redoutez-vous d’être en difficulté financière alors que vos finances sont stables ? Vous souffrez peut-être de dysmorphie financière. Ce trouble, qui touche un nombre croissant de jeunes adultes, s’apparente à la dysmorphie corporelle mais sur le plan économique : une perception altérée de sa situation financière, indépendamment de la réalité.
Une perception déformée de l’argent qui inquiète les experts
D’abord identifié aux États-Unis, ce phénomène prend de l’ampleur à l’international. Selon une étude menée en décembre 2023 par Qualtrics pour Crédit Karma, 43 % de la génération Z (1997-2010) et 41 % des Millennials (1980-1996) déclarent ressentir un profond décalage entre leur perception financière et leur situation réelle.
Mais comment expliquer cette inquiétude grandissante ? Les réseaux sociaux, l’inflation et la pression sociale jouent un rôle majeur. Décryptage d’un mal moderne qui pèse sur la santé mentale et le bien-être économique des jeunes.
Dans cet article :
Une distorsion de la réalité amplifiée par les réseaux sociaux
D’après la thérapeute financière Joyce Marter, la dysmorphie financière est « un état psychologique dans lequel une personne ne voit pas sa situation économique avec précision ». Les conséquences peuvent être lourdes : anxiété, peur du manque, et comportements financiers inadaptés.
Si une personne touchée pense être en difficulté, les chiffres disent parfois le contraire. 82 % des individus concernés par ce phénomène se déclarent « en retard financièrement », alors que leur compte est approvisionné. Plus surprenant encore, 37 % disposent de plus de 10 000 dollars d’épargne, selon l’enquête américaine.
Les réseaux sociaux jouent un rôle prépondérant dans cette perception biaisée. Instagram, TikTok et YouTube sont inondés de contenus mettant en scène des styles de vie luxueux : voyages paradisiaques, voitures de luxe, vêtements hors de prix… Cette mise en avant permanente d’un mode de vie élitiste fausse la perception de la réalité et crée un sentiment d’infériorité financière.
« Chaque fois que j’ouvre Instagram, je vois des gens de mon âge en vacances aux Maldives, portant des vêtements de luxe. Je me sens en retard, même si je sais que ce n’est pas la vraie vie. » – Sarah, 22 ans, étudiante.
Les jeunes, en quête de reconnaissance sociale, peuvent ainsi se forcer à dépenser au-delà de leurs moyens pour refléter une image de réussite. D’après l’étude Qualtrics, 40 % des personnes concernées affirment que la dysmorphie financière les empêche d’épargner, et 38 % déclarent dépenser trop à cause de ce trouble.
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Un phénomène qui s’étend en France
La France n’échappe pas à cette perception déformée de l’argent. Un sondage OpinionWay réalisé en août 2024 met en lumière un décalage alarmant entre la perception des prix et la réalité économique.
Les Français interrogés estiment que l’inflation annuelle atteint 17 %, alors que l’INSEE la chiffre à seulement 1,8 %. Cette surestimation accentue un sentiment d’appauvrissement, alimentant une angoisse financière généralisée.
Par ailleurs, 76 % des Français ont une perception négative de leur pouvoir d’achat, malgré des situations financières souvent meilleures qu’imaginé. Ce ressenti peut entraîner des comportements contradictoires :
- Une peur excessive de dépenser, par crainte du futur, malgré une situation stable.
- Une incapacité à investir ou à se projeter, freinant les projets de vie.
- Une culpabilité après chaque achat, même nécessaire.
La perception erronée des finances n’est donc pas un phénomène anodin, et elle impacte directement les comportements économiques.
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Comment sortir de la dysmorphie financière ?
Face à cette angoisse injustifiée, il est essentiel de rétablir une relation saine avec l’argent. Voici quelques pistes pour y parvenir :
1. Prendre du recul sur sa situation
Il est crucial de vérifier objectivement ses finances en consultant régulièrement ses relevés bancaires et en tenant un budget clair. Travailler avec un conseiller financier peut permettre de mieux comprendre sa situation et d’établir des objectifs réalistes.
2. Se détacher des réseaux sociaux
Limiter l’exposition aux contenus qui glorifient la richesse et la consommation peut réduire la pression sociale. Suivre des comptes prônant une approche plus réaliste et pédagogique de la gestion financière peut également aider.
3. Dédramatiser la question de l’argent
En parler avec des proches ou un thérapeute financier peut être bénéfique. Exprimer ses craintes permet souvent de réaliser que la situation n’est pas aussi catastrophique qu’elle en a l’air.
4. Adopter une approche rationnelle des dépenses
Plutôt que de craindre de manquer ou de dépenser à l’excès, mieux vaut définir un budget équilibré entre épargne, investissement et plaisir. Des applications comme YNAB (You Need A Budget) ou Bankin’ peuvent aider à suivre ses finances sans stress.
5. Changer son rapport à la réussite
Plutôt que de mesurer son succès à travers des signes extérieurs de richesse, il est essentiel de se concentrer sur ses propres objectifs. Une stabilité financière saine, sans dettes inutiles, est souvent plus bénéfique qu’un train de vie artificiel.
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Un enjeu majeur pour les jeunes générations
La dysmorphie financière est un phénomène qui mérite une prise de conscience collective. À une époque où la réussite semble se mesurer en abonnés et en photos retouchées, il est urgent de réapprendre à voir la réalité telle qu’elle est.
Éduquer les jeunes sur la gestion de l’argent, normaliser la diversité des parcours financiers et promouvoir une approche plus authentique de la réussite sont autant de pistes pour briser cette illusion économique.
En définitive, la richesse ne se mesure pas à ce que l’on affiche, mais bien à ce que l’on construit durablement.
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