Le village de Nagoro se situe au Japon et il est peuplé de nombreuses poupées grandeur nature, on vous montre.
Au fond d’une vallée reculée de l’île de Shikoku, il existe un village que Google Maps n’a pas totalement oublié… mais que les humains, eux, ont déserté. Nagoro ne compte plus qu’une poignée d’habitants. En revanche, il regorge de vie. Enfin presque.
Dans ses rues, dans ses écoles abandonnées, sur les bancs de la gare fantôme, des dizaines de personnages semblent attendre. Des femmes tricotent, des hommes discutent, des enfants regardent la cour de récréation, figés dans le temps. Mais ils ne respirent pas. Ce sont des poupées grandeur nature. Fabriquées à la main. Une à une. C’est l’œuvre d’une femme. Et le témoignage silencieux d’un Japon rural qui meurt à petit feu.
Dans cet article :
Une démographie en chute libre à Nagoro
Nagoro était autrefois un village comme tant d’autres. Une école, des familles, des rizières. Mais au fil des décennies, comme dans une grande partie du Japon rural, les jeunes sont partis vers les villes. Les naissances ont chuté et les anciens sont morts.
Aujourd’hui, ils ne sont plus qu’une vingtaine à vivre à Nagoro. Et parmi eux, Ayano Tsukimi, une artiste autodidacte. Lorsqu’elle revient dans le village de son enfance, après des années en ville, elle découvre un lieu quasi vide.
Alors elle commence à fabriquer une poupée à l’image de son père. Puis une autre, pour un voisin disparu. Puis une centaine. Elles sont aujourd’hui plus de 350 poupées, alors plus nombreuses que les vivants.
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Un théâtre figé dans le temps
Les poupées ne sont pas rangées en vitrine. Elles sont installées partout. Dans des situations de la vie quotidienne. Un vieil homme pêche au bord d’une rivière. Des collégiens lèvent la main dans une salle de classe pourtant vide. Une femme attend le bus, immobile, un cabas sur les genoux.
Tout est fait main : vêtements, postures, visages. Chaque figurine représente quelqu’un. Un ancien voisin, un commerçant, un parent. Parfois même des visiteurs. Ayano Tsukimi les installe avec soin, les répare, les déplace.
Ce n’est pas une œuvre d’art, dit-elle. C’est un devoir de mémoire. Une manière de ne pas oublier. Mais en parcourant ce village, l’effet est troublant.
Nagoro : L’art de la solitude ?
Le Japon connaît depuis plusieurs décennies un phénomène profond de dépopulation des zones rurales. Des dizaines de villages voient leur population s’effondrer. À Nagoro, comme ailleurs, la question n’est plus quand le village disparaîtra, mais comment on s’en souviendra.
Ayano Tsukimi a choisi de figer les souvenirs. Elle n’a pas fui, elle n’a pas remplacé, elle a recréé. À sa manière, elle résiste au temps. Avec du tissu, du fil, et beaucoup de silence. Elle ne vend pas ses poupées, elle les offre à la terre. Au lieu. À ceux qui, un jour, ont vécu ici.
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Un tourisme discret, mais réel
Nagoro est aujourd’hui surnommé “le village des poupées”. Des curieux y viennent, attirés par des vidéos virales ou des reportages. Mais ce n’est pas Disneyland. Il n’y a pas de billetterie, pas de boutique souvenir. Juste une route étroite, une école vide, des poupées, et un profond sentiment d’étrangeté.
Des photographes y trouvent une source inépuisable d’images. Des cinéastes rêvent de l’utiliser comme décor. Certains parlent d’y tourner un film d’horreur. Mais Ayano Tsukimi tient à ce que le respect domine. Ce n’est pas un décor, c’est un mausolée à ciel ouvert. Et un miroir brutal : celui d’une société vieillissante, qui peine à entretenir ses marges.
Entre hommage et nécropole
Nagoro n’est pas qu’un village. C’est une question posée à voix basse : que reste-t-il d’un lieu quand les gens partent ? Que fait-on des souvenirs ? Peut-on peupler le vide ?
Les poupées n’ont ni voix ni souffle. Mais elles disent l’essentiel. Elles racontent un monde qui a vécu. Un Japon rural devenu spectre, dans un pays où les robots tiennent compagnie aux vivants, et où la solitude est devenue une pandémie.
Le cas de Nagoro peut sembler unique. Mais il ne l’est pas tant. En Italie, en Espagne, en France même, des villages entiers se vident. La mémoire se perd, les maisons s’effondrent. À Nagoro, on a choisi de les habiter autrement. Par le simulacre, et par l’artisanat de la mémoire. Et si ces poupées n’étaient pas une bizarrerie… mais une forme de résistance ?
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