La creepypasta des backrooms a pris vie grâce à une photo vraiment perturbante, mais d’où vient la photographie d’origine ?

Tout est parti d’une image. Une photo banale, presque laide, mais qui a fait basculer Internet dans une autre dimension. Un simple couloir tapissé de jaune, une moquette suspectement humide, et une lumière de néon qui semble vouloir brûler la rétine. Rien de spectaculaire, et pourtant, cette photo a ouvert une brèche. Celle des Backrooms, le mythe numérique le plus dérangeant depuis Slender Man.
Dans cet article :
Le début de la creepypasta des Backrooms
Le 12 mai 2019, un utilisateur anonyme du forum 4chan, sur le board /x/ dédié au paranormal, lance une demande toute simple : « Postez des images étranges, qui font ressentir quelque chose de ‘pas normal' ».
Au milieu des photos de poupées cassées et d’ombres difformes, une image émerge. Un couloir vide, jaune maladif, papier peint défraîchi, une moquette brunie par le temps. Un cadre légèrement tordu, comme si le photographe avait trébuché.
Quelques minutes plus tard, un autre internaute répond. Une phrase, une seule, mais elle va redéfinir tout un pan de la culture numérique : « Si vous êtes imprudent et que vous noclippiez hors de la réalité au mauvais endroit, vous finirez dans les Backrooms ».
Le reste du message détaille l’enfer qui attend les malchanceux : l’odeur de moquette humide, la folie du monochrome jaune, le bourdonnement infini des néons. Un enfer sans feu ni démons, juste la répétition, la solitude et l’écho.
À ce moment précis, la légende prend forme. Non pas un monstre, mais un lieu, non pas une peur tangible, mais une angoisse spatiale. Et c’est peut-être ce qui explique son succès : les Backrooms ne montrent rien, elles suggèrent.
Une image anxiogène, un lieu familier et dérangeant
Ce qui rend cette photo si puissante, c’est ce qu’elle ne dit pas. On ne sait pas où l’on est, ni quand. L’image évoque des bureaux des années 90, un hall d’hôtel ou une arrière-salle de supermarché.
Des lieux où l’on est tous déjà passés, mais où l’on n’a rien à faire. C’est ce qu’on appelle un espace liminal : un endroit de transition, familier et pourtant dérangeant.
Ce sentiment, de nombreux internautes l’ont ressenti sans pouvoir le nommer. Les Backrooms ont offert une forme à cette dissonance : un décor vide, saturé de lumière, où le réel semble avoir été effacé au chiffon.
Très vite, le concept s’étend. Des communautés en ligne s’en emparent, imaginent des “niveaux” de plus en plus complexes, couloirs industriels, sous-sols inondés, parkings infinis. Certains inventent des créatures, d’autres des sociétés humaines repliées dans ces espaces. Mais le cœur du mythe reste le même : le vertige d’un monde sans sortie.
L’origine de la première photo des Backrooms
Pendant des années, l’origine de la photo reste introuvable. L’image est trop banale pour être identifiable, trop floue pour être datée. Les hypothèses se multiplient : rendu 3D ? décor de film ? photo d’archive oubliée ?
Rien de concret, jusqu’à ce qu’en mai 2024, un utilisateur de Facebook, @tjxz_z, mette la main sur un cliché du même lieu, vu sous un autre angle.
L’enquête collaborative qui suit, digne d’un polar d’Internet, finit par révéler la vérité. Le lieu serait situé au 807 Oregon Street, Oshkosh dans le Wisconsin. Il s’agirait d’un ancien magasin de meubles, Rohner’s Furniture, repris ensuite par la chaîne HobbyTown.
La photo date du 12 juin 2002 et elle aurait été prise par un Sony Cyber-shot dans le contexte de la documentation interne lors de travaux de rénovation, après un dégât des eaux.
La photo aurait été mise en ligne le 2 mars 2003 sur le blog du magasin. Puis, silence. L’image disparaît dans les limbes du web avant de ressurgir seize ans plus tard sur 4chan, décontextualisée, prête à devenir légende.
Aujourd’hui, la fameuse pièce jaune n’existe plus. Les cloisons ont été abattues, le papier peint retiré. Le lieu est désormais un circuit miniature pour voitures radiocommandées. De décor anxiogène, il est devenu espace de jeu. Ironique, ou parfaitement cohérent : les Backrooms ont toujours eu un goût d’enfance déformée.
Un bug dans la matrice ?
Dès sa diffusion, le mythe se répand. Des wikis collaboratifs se créent, des forums débattent des “niveaux” et de leurs règles. Mais c’est en 2022 que le phénomène atteint le grand public grâce à un adolescent de 17 ans, Kane Parsons, alias Kane Pixels.
Son court métrage The Backrooms (Found Footage), tourné dans un style de vidéo VHS retrouvée, dépasse les 55 millions de vues. On y suit un jeune homme qui tombe littéralement hors du monde réel pour atterrir dans un labyrinthe jaune infini. Aucune musique, aucune explication, seulement la peur du silence et le bruit des néons.
Le succès est tel que le studio A24 (à qui l’on doit Midsommar) annonce un film produit par James Wan et réalisé par Parsons lui-même. En parallèle, des jeux vidéo (Backrooms 1998, Escape the Backrooms, Bodycam) explorent la même idée : et si la réalité avait un bug ?
Les Backrooms ne fonctionnent pas parce qu’elles montrent quelque chose d’horrible, mais parce qu’elles ne montrent rien. Elles transforment le vide en menace, la répétition en cauchemar. C’est une peur contemporaine : celle de l’espace trop propre, trop éclairé, trop familier pour être sûr.
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Une métaphore de nos peurs contemporaines
Dans un monde saturé d’écrans et d’open spaces, la photo de ce bureau sans âme agit comme un miroir déformant. Elle parle de notre propre aliénation : celle d’un monde où l’on travaille, consomme et attend, sans savoir pourquoi. Le jaune sale des murs n’est plus qu’un reflet du quotidien : rassurant et toxique à la fois.
En identifiant le vrai lieu de la photo, les internautes n’ont pas détruit le mystère. Ils l’ont renforcé. Car cette découverte prouve que les Backrooms existent bel et bien, pas dans un autre monde, mais dans le nôtre. Elles sont dans chaque couloir d’hôtel à moitié vide, dans chaque bureau abandonné, dans chaque bâtiment dont la lumière reste allumée trop tard.
La légende des Backrooms a ainsi dépassé le cadre du simple mème. C’est devenue une métaphore moderne du bug dans la matrice, un écho du désenchantement collectif.
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